A la rencontre de Suron

 

 


Le matin s'annonçait doucement, mais dans tous les alentours une lueur éblouissante le laissait pressentir…Gaendalf dégageait une lumière perçante, de sa robe qui désormais était soleil. Les nains plus habitués à l'angoissante lumière des cavernes, plissaient front et paupières à l'approche du Magicien qui dans une grande compassion se vêtit d'un manteau noir obscur. Mais celui-ci n'en fit rien et Gaendalf se trouvait tout autant lumineux, car sa brillance transperçait tissus, végétaux et métaux.
" Il est un être Mytrah de Dire qui pourrait la contenir…cette lueur d'étoile, lui dit Sarasmane.
- Parlez, Sarasmane. Qui est-il et où est-il ?
- Et bien…il s'agit du seigneur Suron…
- Humhf…je me doutais depuis longtemps que vous vous étiez acoquiné…et bien soit, a t-il retrouver forme ? Car je sens son esprit, qui lui a toujours survécu, à l'abri des secrets des Elfes…et qu'Erou m'en garde car jamais je ne leur ai fait totalement confiance ; à présent ils veulent le pouvoir…et il n'était pas sage de défier Suron, le Prince des ténèbres !
- Oui, seigneur. Suron a survécu. Mais il lui faut l'anneau de pouvoir afin que les forces s'élèvent…
- Depuis quand êtes-vous au courant Sarasmane ? Lança Gaendalf furieux.
- Il y a longtemps, l'un des mes espions m'a apporté en gage un objet, plus précieux que l'or et le Mitril…plus rare qu'une symphonie d'Ilùvar…une chose que l'on croyait perdu, mais qui n'était qu'égaré…un objet dont Suron possède l'une des six répliques, et dont il a apprit la science et s'est imprégner de sa connaissance…l'une des pierre clairvoyante apportées de Naménor…l'une de celles qui voient de loin…un Palandir…et avant que vous ne m'arrêtiez, sachez que Suron croit en avoir le contrôle…emprise qu'il pense avoir aussi sur moi…ce qui n'est pas le cas je vous en assure, et il est trop tôt pour le décevoir car son aide pourrait être précieuse…
- Un Palandir est un outil dangereux ! Haussa Gaendalf. Mais ces temps sont ceux de la colère et l'outil se trouve être précieux ! Ce sont les jours du pardon qui suivront…aussi pouvons-nous l'espérer pour le justifier. Mais sachez, maître marchand, qu'à la moindre entourloupe, je vous la brise sur le crâne ! A propos, dès ce jour vous n'approcherez, même de très loin, d'aucune substance que ce soit. "
Alors tous deux, résignés à rendre compte de la situation au Maître Suron, se rendirent en Mordror. Par le Palandir en sa possession, Sarasmane annonça leur venue. Il ne leur fallut que quelques heures à dos d'aigle, fidèles et premiers serviteurs du Magicien, pour parvenir à destination. Quand enfin ils purent se confronter au Prince, c'est avec surprise et forte impression qu'ils lui expliquèrent la situation…l'esprit de Suron figurait sous la forme d'un grand œil, nimbé de flammes. Des négociations s'amorcèrent :
" Comme je me présente à vous, je ne peux vous venir en aide, car mes pouvoirs ne sont que pensés et manipulations, dit Suron d'une voix caverneuse et lugubre.
- Si je vous permets de prendre forme, une alliance serait-elle envisageable. Car vous n'oubliez pas votre défaite face à celle des Hommes et des Elfes ? Et une nouvelle fois ils se sont ligués, alors quand les terres fertiles du monde seront perverties…c'est le Mordror, dernier bastion de gouverne, qu'ils envahiront !
- Voilà une pensée digne Mytrah de Dire. Les Palandirs ont dit vrai…vous êtes Seigneur au-dessus des hommes et c'est pour cela que vous vous en remettez à moi. Je n'ai pas eu grand mal à percevoir le divin, car votre éclat présent perce la sombre brume des marais et vient scintiller jusque dans ma demeure. Mais maintenant que vous m'aveuglez, que votre transparence n'est plus, je ne parviens plus à déceler ma chose…vous savez, celle que vous espériez me cacher…
- En effet, j'aurais souhaité vous l'apprendre par moi-même, le moment venu…
- Ce n'est pas une babiole que vous transportez là, c'est mien ! Interrompit Suron qui commençait à s'impatienter. "
Gaendalf sortit de son pagne un objet. Il le tenait fermement dans son poing. Il semblait lutter contre lui-même. Avec toute la volonté et le courage qu'il n'avait jamais eu, il jeta finalement la chose sur Suron. C'était un anneau, un anneau d'or qui brilla de milles éclats dans les airs et dans son élan tournoya avant d'être engloutit dans les flammes.
Une paupière se dessina en flamme tout autour de l'œil, puis le feu paraissait s'étouffer. Un écho retentit dans les murs de la tour sombre, et alors des flammes stridentes et aveuglantes jaillirent comme une implosion. Quand ils ouvrirent les yeux, la place d'œil était prise…un être d'armure et haut de taille se trouvait là.
" Heureuse rencontre, Seigneur " dit Sarasmane s'agenouillant.
Mais, dit Sarasmane dans l'étonnement après s'être relevé, comment se fait-il que l'anneau de pouvoir soit en votre possession, Mytrah de Dire ?
" Ce n'est pas moi qui le récupéra, dans une sagesse inopinée. Non c'est Gaendalf le gris qui le vola, dans une convoitise indécente à l'un des ses très vieux amis. Mais ami malin et clairvoyant, je m'en aperçois alors. Car oui, Bilbon est un Vommite qui n'a pas l'habitude facile, et je ne connais pas la cause, si c'est par pressentiment ou vision, mais il voulait que l'anneau me revienne.
" Seigneur Mytrah de Dire, s'écria Suron, hâtez-vous. "
Sarasmane et Gaendalf suivirent le Prince dans ses ténèbres abyssales. Ses pas, dans ses bottes d'acier, écrasaient la terre, choquant en échos les parois du tunnel. Jamais dans cet endroit il n'y eut autant de lumière, que chaque orque présent fuyait au passage du magicien comme aux grognements de Suron. Puis enfin, dans les tréfonds des Monts Cendres, ils s'arrêtèrent. L'impasse était parfaite pour l'embuscade des deux marchands, pensa le magicien, mais dans un élan de confiance que lui-même n'expliquait pas, il n'émit aucun doute de Suron et ses intentions.
Ils y découvrirent des orques, des femmes orques qui s'affairaient aux métiers de tisse. Chacune sur les finitions de leur œuvre à part, destinées aux êtres supérieurs de chaque race de la Terre du Centre.
" Observez, Mytrah de Dire ! Rares sont ceux qui voient la mise en œuvre des choses exceptionnelles de ce monde et d'aucun n'est encore en vie pour le raconter.
D'abord, il me faut faire de ces cendres, les plus acres, une texture supportable. Puis de cette noirceur inaccessible, j'en ferais des fils, bouillis et écumés dans le sang d'un Nazculs. "
C'est alors que, telle les couturières d'antan, Suron cousu main un maître manteau à Gaendalf. Ils broda, tricota comme nuls Elfes n'étaient capables de le faire. Sur chaque bordure, sur chaque détail, il y mettait de son importance. Etrangement, il paraissait être un grand et terrible guerrier, car il avait une telle maîtrise, il maniait l'aiguille avec une telle précaution, avec une telle dextérité que dans son art il excellait comme un soldat impitoyable au cœur de la bataille, jouant des coudes et de la lame, pour en finir le plus vite et le plus efficacement possible.
L'entreprise arrivant à sa conclusion, il éleva son œuvre. Un être abominable se mesurait devant eux, mais un allié fier venait de mettre la première pierre à un édifice, colossal s'il en est, comme on n'en avait plus aperçu depuis de temps reculés :
" Trois Manteaux pour les Rois Elfes hauts dans le ciel,
Neuf pour les Hommes Mortels destinés à l'agonie,
Sept pour les Capitaines des Orques et des légions de Haradream,
Un pour le Seigneur lumineux par-dessus les étoiles,
Dans la Terre du Centre où l'ombre s'étend
Un manteau pour les soumettre tous. Un Manteau pour les trouver,
Un manteau pour les lier et dans la lumière les liguer en armée,
Digne et représentant chaque force de race,
Pour combattre selon la volonté du seigneur Mytrah de Dire.

Voici pour vous cette pelisse, qui vous tiendra loin de la froideur de vos soldats. Et cette pèlerine à été conçu pour Sarasmane car de son ampleur tant d'esprit que du corps, il devra se servir.
Et quant aux Nains et aux Vommites, je dois bien être franc avec vous, la main d'œuvre se fait rare et la virilité des orques est un handicap. Moi-même, seigneur du Mordror, j'ai été contraint de mettre la main à la patte - ce qui n'a pas été pour me déplaire - ! Vous devrez les convaincre par la force de l'esprit, ou des armes, c'est à vous seul que revient ce choix, cette tâche Sarasmane. Gaendalf aura fort à faire de son côté.
Une fois que chacun sera couvert de son manteau, votre armée alors sera prête. Mais prenez garde, car si j'ai choisi avec certitude les Hommes et les Nains qui porteraient mes anneaux, il n'en est pas de même pour les Elfes qui eux ne m'appartiendront jamais…
- Je ne souhaite pas leur captivité trop longue, sursauta le magicien. Une fois le conflit apaisé, chacun d'eux sera libre à nouveau de galoper dans sa contrée !
- Certes, mais méfiance, car les Elfes seront les plus précieux dans votre légion…

Prêt au départ, Gaendalf allait alors essayer sa nouvelle tunique, qui telle la lune en combinaison avec le soleil, devait éclipser toute source de lumière.

Ce qui se produisit, à l'instant où il s'en vêtit, était sans précédent de mémoire elfique. Le dit manteau s'imbiba de cette puissance lumineuse qui dans cet éclair aveuglant inhiba chaque source de lumière alentour, comme happée par lui. Et l'élément primaire dégagé par le magicien eut un effet sur le costume auquel ni Mytrah de Dire, ni Sarasmane, ne s'attendaient. Le tissu noir-ténèbre qui le constituait devint clair-charbon. Puis Sauron, s'approcha d'une bougie disposée non loin de là pour en allumer la mèche essoufflée par l'action précédente. C'est alors que d'innombrables détails, dessins de lettres, en langue de Mordror, semblable aux sculptures naines sur Mitril, mais bien plus magnifiques se découvrirent. Mytrah de Dire transparaissait alors en être vêtu d'argent.
" Voilà une chose, ami, qui ne sera pas oublié. Qu'ainsi naquit dans nos mémoires, et pour la nuit des temps, le don et le talent rares tout comme la compassion du maître de ces lieux, seigneur du Mordror !
- Mytrah de Dire, il n'est point de récompense à justifier en cet instant, et ma revanche, bien qu'entre vos mains altruistes, se verra légitime …enfin … acquise, ajouta t-il avec discernement.
Deux chemins distincts, tous les deux arpenterez. Sarasmane, Mytrah de Dire quêtera seul ses alliés de l'armée d'argent. Vous irez à la rencontre de Bilbon, et tous deux devrez convaincre Vommites et Nains. L'armée d'or…c'est ainsi que vous la nommerez, car chaque partisan qui la composera y sera de son gré et une telle dévotion justifie de la désigner or plutôt que mort.
Nous vous laissons, Sarasmane. Maintenant que vous savez votre tâche, il me faut soutenir Mytrah de Dire d'un appui solide, la première charpente des fondations de l'armée d'argent sera de sang orque ! "